Intro
Matteo : Avant de commencer cet interview, une petite particularité chez le Singe Savant, vous ne découvrirez ni leurs noms ni leurs visages. Leur chargée de communication m’explique cette volonté avant de commencer l’entretien :
Le Singe : « Le collectif prime sur l’individu. Le Singe Savant, c’est tout le monde et personne. C’est-à-dire qu’on est toujours masqués lors des photos. Et normalement, on ne dit pas nos noms. Tu n’as pas un porte-parole monsieur ou madame, mais c’est le Singe. »
C’est quoi le Singe Savant ?
S : C’est une brasserie située à Lille, dans le quartier de Moulins. Nous avons notre atelier de brassage et un bar qui nous permet de distribuer notre propre bière avec nos cinq permanentes : la Smoking Chihuahua, la Taz, L’Arctic Papayou, la Papa Mexico, la Granivore ainsi que nos éphémères.
Aujourd’hui, on brasse à la main dans deux petites cuves. Bientôt, on va recevoir notre nouvelle cuve d’empâtage qui va nous permettre de gagner en efficacité et produire en plus grande quantité. Et on a super hâte.
M : Comment a commencé l’aventure ?
S : Au tout début, le Singe Savant était basé dans un coworking d’artisanat d’art et d’artistes à Lille : La CoFabrik. C’est là-bas que j’ai rencontré les trois fondateurs. Deux d’entre eux étaient ingénieurs, mais leur travail ne leur convenait plus éthiquement parlant. Du coup, ils ont créé le Singe parce qu’ils aimaient bidouiller et que l’expérience les attirait. Leur but à tous les trois : créer une entreprise à taille humaine et avec des valeurs plus proches des leurs : écologique, sociale et indépendante.
Quelle est la philosophie du Singe Savant ?
S : Dès le début, notre politique est de ne pas faire comme tout le monde au niveau de nos bières. Faire une blonde, une ambrée, une brune et une blanche, c’est pas notre genre. Notre philosophie, c’est d’être créatif.
À cela s’ajoute la volonté de faire du local. On souhaite travailler au maximum avec les bars et les restos de la métropole lilloise.
Pour nous, le contact humain, c’est la priorité. On livre nous-mêmes en véhicule électrique. Pas d’empreintes carbone ou le strict minimum. On travaille au maximum avec des matières premières bio. Pour la fabrication de nos bières, que ce soit des fruits, des légumes ou des herbes, on tente dès que l’on peut d’acheter de saison et local.
Faire toujours de la nouveauté…
c’est ça aussi l’identité du Singe.
Comment êtes-vous organisés en interne ?
S : Avant, on était sous un format associatif. Aujourd’hui, ça fait un an et demi qu’on est en SCOP (Société Coopérative Ouvrière de Production).
Le modèle SCOP est un modèle où les salariés sont associés. Tous les salariés ne sont pas forcément associés, mais peuvent le devenir. Le pouvoir est exercé démocratiquement, en toute transparence. (ndr)
S : On ne veut pas qu’il y ait de hiérarchie. La SCOP fait qu’on est associés et salariés. Il y a un gérant, mais c’est juste en statut juridique. Ce n’est pas lui qui décide de ce qui se passe dans la brasserie. C’est vraiment le collectif. Toutes les décisions se font de manière collective. Ça ne veut pas dire qu’on n’a pas chacun des responsabilités.
Je pense que c’est un modèle qui demande plus d’implication et qui nous pousse à être vraiment investis dans ce qu’on fait.
Tu peux nous parler un peu de la création des recettes ?
S : On a, dans notre messagerie interne, un canal qui s’appelle « Idées-Recettes » où chacun est libre de proposer quelque chose. Si la prod trouve ça intéressant, on va essayer. On teste sur les « Grainfather ». C’est le matériel qui te permet de brasser chez toi. Ça fait 20 litres. Si on voit que c’est super bon, on pousse le truc. Maintenant, avec le bar, on peut proposer nos tests aux clients, voir si ça marche ou pas. D’une manière générale, nous savons ce qu’attendent nos fans, mais on essaie de les surprendre régulièrement. L’idée c’est de s’amuser sur plusieurs styles, tout en respectant la saisonnalité des ingrédients.
Tu as des exemples de recettes qui ont marqué l’histoire de la brasserie ?
S : Là tout de suite je te dirais la Endless Summer. A la base c’était une éphémère et nous l’avons sortie en hiver sous le nom de « Winter Sour ». C’est une bière à base de purée d’abricots, de vanille et tonka, nous la reproposons cette été car elle a eu beaucoup de succès.
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Une autre bière qui a été assez ouf : La Chakchouk.
Une göse au poivron, citron vert et mangue. Elle a super bien fonctionné chez les restaurants gastronomiques. Il y a des gens qui l’ont bu au restaurant et ils sont arrivés ici pour en racheter. Par contre, ça n’a pas fait l’unanimité, on a certains puristes ont dit “ce n’est pas une bière ça”
J’ai souhaité rencontrer Hervé, le graphiste & illustrateur qui a travaillé avec le Singe Savant pour cette partie
Salut Hervé, tu nous racontes un peu l’histoire du logo ?
H : Salut Matteo, dès le départ on voulait représenter le singe du théorème du Singe Savant. Il s’agit d’un paradoxe qui stipule que, dans un lapse de temps infini, un singe avec une machine à écrire pourrait arriver à écrire un texte qui a du sens. Le but était d’avoir un look de mascotte un peu décalé et « urbain », tout comme la brasserie.
Pour les bières de la gamme permanente, on s’est dit que le singe allait être le chef, tandis que chaque bière aurait un personnage dans le rôle de sous-fifre. Un peu comme dans une bande criminelle, mais pas vraiment la plus dangereuse.
H : En 2016, quand j’ai réalisé ces illustrations, il y avait encore beaucoup de bières artisanales qui reprenaient les codes des étiquettes industrielles. Donc le fait de partir sur des illustrations avec beaucoup de couleurs, très pop et déjantées, ça a pas mal aidé pour se faire connaitre. Mais il faut aussi garder en tête que ce n’est pas juste pour se donner un style, on a une cohérence entre les recettes et les illustrations, on n’est pas dans quelque chose de classique et on l’assume.
En plus des étiquettes de bière,
Hervé a travaillé sur le merchandising
H : Assez rapidement après son lancement, le Singe a décidé d’avoir sa propre gamme d’accessoires. Ils ont fait sortir des t-shirt, des hoodies et le verre en forme de canette, avec un graph devenu emblématique (qu’on retrouve, entre autres, sur les étiquettes des bières éphémères).
De commun accord avec le Singe, on voulait des produits qui n’étaient pas uniquement conçus pour faire la promo de la brasserie. J’ai voulu créer accessoires et des fringues qui pourraient etre portés par n’importe qui, parce qu’ils sont stylés et pas uniquement parce qu’on est fan du Singe !
Retrouvez le Singe Savant